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Le combat anti-toits noirs aux USA pourrait faire des émules en Europe

par JOHN SAPPORO, lemoniteur.fr, 10 juin 2014

Plus de 500 000 m² de toits d’immeubles new-yorkais ont déjà été repeints en blanc Photo: White roof project Source: www.lemoniteur.fr

Plus de 500 000 m² de toits d’immeubles new-yorkais ont déjà été repeints en blanc
Photo: White roof project
Source: www.lemoniteur.fr

La municipalité de New York a mis en place une structure visant à repeindre, à terme, tous les toits de «Big Apple» en blanc. Objectif: diminuer les températures estivales et réduire les consommations de climatisation.

Faudrait-il repeindre les toits en zinc de Paris en blanc? C’est ce que semble conseiller le prix Nobel de Physique et ancien secrétaire d’Etat américain à l’Energie Steven Chu. Ce dernier considère que «les cool roofs – toits réfléchissants les rayonnements solaires – sont l’un des moyens les plus rapides et les moins onéreux pour ralentir le réchauffement climatique».

Du fait de l’activité humaine et de la chaleur emmagasinée par les bâtiments, les températures sont souvent, en ville, supérieures de plusieurs degrés à celles de leurs proches périphéries. Lors des périodes estivales, le thermomètre peut y battre des records. Les scientifiques parlent alors d’«îlots de chaleur urbains». Leur apparition provoque, au mieux, une surconsommation de climatisation; au pire, une aggravation d’épisodes caniculaires. Pour mémoire, le bilan de celui de l’été 2003, en Europe, s’est élevé à 70 000 morts.

L’Université de Berkeley à l’origine du combat

Pour prévenir la formation de ces bulles de chaleur, des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory ont réfléchi à une solution simple, peu onéreuse et qui peut rapporter gros: blanchir les toits. Connu des initiés sous le nom de «Heat Island Group», l’équipe d’universitaires californiens a estimé l’économie que générerait le remplacement des couleurs sombres des toitures de onze agglomérations américaines par des teintes claires sur les besoins en climatisation. La simulation conclut qu’un revêtement blanc des toits, réfléchissant les rayons du soleil et rayonnant les infrarouges, permettrait d’économiser annuellement plus de 175 millions de dollars de climatisation. Extrapolé à l’échelle du pays, cela aboutit à une économie de 750 millions de dollars chaque année (plus de 500 millions d’euros).

 Faire de « Big Apple » une grosse tache blanche vue du ciel

Les conclusions de cette équipe de chercheurs ont intéressé plusieurs grandes villes américaines, et ont notamment inspiré la politique de la ville de New-York. Depuis 2008, les services municipaux new-yorkais exigent, pour accorder un permis de construire, que le facteur de réflectivité du toit, c’est-à-dire la fraction de l’énergie solaire réfléchie par la toiture, soit supérieur à 0,75 (à titre de comparaison, une membrane bitumineuse classique présente une réflectivité allant de 0,2 pour les couleurs sombres à 0,5 pour les plus claires).

Et, afin de s’attaquer aux toitures des immeubles existants, en 2010, les départements de la municipalité en charge des bâtiments et des services volontaires se sont associés pour mettre en place une structure baptisée «New York Cool Roof».

Son objectif n’est rien d’autre que de faire en sorte que le survol en avion de «Big Apple» laisse apparaître une grosse tache blanche. Afin d’y parvenir, l’association compte sur le bénévolat et le mécénat. Soutenue, entre autres, par Google, elle affiche fièrement au compteur déjà plus de 550 000 m² de toits repeints en blanc, soit plusieurs centaines de bâtiments.

Adopter un toit noir pour le repeindre en blanc

Un site, «white roof project», décline l’opération sur l’ensemble du territoire nord-américain. Son concept : proposer aux occupants d’un immeuble au toit noir de se «dénoncer», afin que des bénévoles puissent l’ «adopter», autrement dit le repeindre en blanc.

Et pour financer l’achat des pots de peinture, les fondateurs du «white roof project» misent sur le narcissisme de riches américains. Pour tout don de plus de 1000 euros en faveur de leur combat, les «pro-toit blanc» s’engagent à faire apparaître le nom du donateur sur une des toitures repeintes.

Un concept exporté Outre-Atlantique

Chercheur au Lawrence Berkeley National Laboratory et professeur à la Concordia University de Montreal , Hashem Akbari est le prophète des défenseurs des « cool roofs ». Il a théorisé et répandu le combat contre les ilots de chaleur urbains aux Etats-Unis, et prêche désormais la bonne parole sur le continent européen. A travers son projet «global cool cities alliance», le scientifique irano-américain vise à ce que 100 villes à travers le monde s’engagent, avant 2020, dans une politique de développement des «cool roofs». La démarche commence doucement à s’implanter sur le Vieux Continent. Le maire de Londres se dit intéressé et Athènes vient de s’engager. Depuis le début d’année, dans la capitale grecque, lors d’une location ou d’une vente, le propriétaire doit veiller à ce que la toiture respecte des facteurs d’émissivité et de réflectivité minimaux.

Parallèlement à ce déploiement, au cas par cas, dans les règlements municipaux des grandes métropoles, les choses avancent à l’échelle de l’Europe. L’ «European cool roof council» (ECRC), directement inspiré de son homologue américain, a été officiellement établi en janvier 2012 à Bruxelles. «Regroupant industriels – dont Braas Monier et Soprema -, scientifiques et institutions, l’ECRC accompagne ce mouvement en établissant un socle de connaissances scientifiques» explique Emmanuel Bozonnet, membre fondateur de l’association. Pour ce chercheur de l’Université de La Rochelle, spécialiste de l’interaction des microclimats urbains avec le bâti, « il est indispensable de standardiser et classifier les produits dits «cool roof» pour pouvoir ensuite les promouvoir à travers des réglementations nationales ».

Ce n’est pas encore demain que, du haut de la butte Montmartre, l’on verra à l’horizon un champ de toits blancs. Mais désormais, la cause anti-toits noirs a des apôtres parmi nous.

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