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Pour Lionel Carli, il faut « faire une pause » avant de construire à tout-va en ville

par le Service Architecture et Urbanisme / avec AFP, lemoniteur.fr, 26 juin 2013

Dans un interview à l’Agence France Presse (AFP), Lionel Carli, le président du Conseil national de l’Ordre des architectes (Cnoa), a appelé les élus locaux à se servir avec prudence de leurs futurs outils pour accélérer la construction de logements neufs, les invitant à « faire une pause », avant de se lancer.

Le Cnoa peut sembler à contre-courant, alors que la pénurie de logements et l’urgence à relancer le secteur de la construction occupent l’agenda. Lionel Carli assume. Dans un entretien à l’AFP, il estime que les élus locaux doivent faire “un diagnostic urbain, architectural et paysager”. La loi habilitant le gouvernement à recourir à des ordonnances pour relancer la construction de logements neufs, adoptée au Parlement le 19 juin, prévoit notamment d’autoriser des dérogations aux règles d’urbanisme pour surélever certains immeubles, construire moins de places de parkings ou encore faciliter la transformation de bureaux vides en logements. Ces mesures vont “globalement dans le bon sens” admet Lionel Carli, pour qui ce “déverrouillage” des règles permettra d’”ouvrir le champ des possibles” en matière d’urbanisme.

Dents creuses

Il salue aussi la volonté de privilégier la densification des zones déjà construites plutôt que l’étalement urbain, que l’on retrouve dans le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), présenté en Conseil des ministres mercredi. Mais “attention à ne pas répéter les erreurs du passé”, avertit l’architecte, qui défend les intérêts de ses quelque 30.000 confrères français. “La ville ce n’est pas de la quantité. On parle d’urgence, de mètres carrés… J’aimerais qu’on parle un peu plus de qualité. Il faut constuire plus, mais aussi mieux, au bon endroit”. Il qualifie de “bonne piste” la possibilité de déroger aux limites de densité inscrites dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), pour surrélever des immeubles existants ou construire sur les “dents creuses”, ces espaces non construits entourés de parcelles bâties.

Intrus

Mais “la surélévation ne doit pas être automatique” avertit-il. Il engage notamment à ce que tous les immeubles ne se retrouvent pas à la même hauteur, ce qui uniformiserait la ville, et à éviter que les surrélévations se traduisent par une perte de vue ou par une zone d’ombre pour les immeubles voisins. De même, si transformer en logements des immeubles de bureaux vides apparaît comme une bonne idée, il faut “que la trame de l’immeuble et le quartier s’y prêtent”. Autrement dit, ne pas créer une poignée de logements perdus au milieu d’une zone de bureaux, ce qui reviendrait selon Lionel Carli à “recréer du mal-logement”. “Un projet peut respecter toutes les règles mais être un intrus dans le paysage. Comment l’élu sera-t-il éclairé?”, s’inquiète-t-il.

Désirer

Et Lionel Carli de mettre en avant le rôle de conseil des architectes et des aménageurs, face à des maires pas forcément formés aux questions d’architecture et d’urbanisme. Il recommande ainsi de procéder à des “audits” dans toutes les agglomérations avant de prendre des décisions, et estime même qu’ils devraient être rendus obligatoires en cas de dérogation aux règles d’urbanisme. Certes, cela prendra du temps, mais en matière d’urbanisme, vouloir réparer les erreurs commises “coûte cher”, rappelle-t-il. L’architecte souligne que ces diagnostics peuvent être des alliés des élus dans leurs politiques urbaines et devenir un outil de pédagogie, de dialogue auprès des citoyens, en particulier s’ils sont accompagnés de modélisations des projets (maquettes 3D, etc.). “Il faut faire désirer la ville, faire accepter la densité. On en a souvent peur, mais si on l’explique, elle est plus facile à accepter”, suggère-t-il.

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