par CAROLINE BROUÉ, franceculture.fr, 5 mai 2013
Avec : Magali REGHEZZA, Alain BUBLEX et François SIMON
Magali Reghezza: « Historiquement, nos villes occidentales sont pensées sur le modèle de l’arrachement à la nature. Cet arrachement est double : c’est celui de la campagne environnante, […] mais c’est aussi l’arrachement à notre propre nature puisque la ville nous civilise. L’homme s’arrache à la nature. Mais il y a un renversement de représentation qui se fait au XIXème et surtout XXème : l’idée que la ville est contre-nature, pas dans son arrachement, mais parce qu’elle attaque, menace la nature. […] En réalité, le naturel est d’abord un hybride de naturel et de culture. […] Aujourd’hui, on assiste à un désir de retour à la nature dans cette ville, qui passe par des projets architecturaux et le jardin urbain partagé, ou le fait de manger bio […] Ce désir d’un retour à la nature nous interroge sur notre rapport à la nature de façon très large. Derrière ces discours, quelles sont les idéologies dominantes ? […] Qu’est-ce que signifie ce besoin de nature ? »
Alain Bublex: « Cela semble témoigner de la généralisation du fait urbain. La ville est effectivement coupée de la nature, mais aussi la ville renvoie l’idée d’une totalité : l’idée du monde circonscrite dans un périmètre déterminé. La ville réimporte la nature en son sein pour contenir encore plus le monde dans sa totalité. Les urbains auraient l’idée non seulement d’habiter en ville, mais aussi d’y ajouter la nature comme acmé. »
François Simon: « L’assiette a la même périphérie que la ville. Elle est le reflet de tout ce qui se passe dans l’urbanisme et le rapport à la nature. Jamais la ville n’a été aussi proche paradoxalement de la nature, comme s’il y avait une sorte de rédemption. […] On avance vers une réconciliation avec la nature, mais j’ai du mal à comprendre que ces discours soient véritablement sincères. »